Panbouda voyageait sur son chemin de vie, le sourire béat, la joie guidait ses pas. Dans son sac à dos, il avait de la nourriture, une bouteille d'eau et une couverture en poils de zèbre pour dormir le soir au chaud. Dans sa tête, il avait en mémoire mille souvenirs de sa quête. Chaque nouvelle aventure remplissait son coeur de bonheur et sagesse pure.
Il était petit, mais au bout du voyage, il savait qu’il serait un grand sage.
Les sages sont souvent des vieilles personnes toutes ridées par les années. Pourtant la sagesse ne vient pas avec l’âge, c’est juste que plus on vieillit, plus le corps s’endort, et plus on accepte d’écouter sa tête.
Un soir, quand la vieillesse aura rempli votre corps de trop de faiblesses, alors Dame la Mort viendra vous libérer d’une caresse.
Ce soir, Panbouda avait le coeur emplit de chagrin, un vieux sage qu’il aimait beaucoup venait de s’éteindre. Demain, son ami ne serait plus là pour lui tenir la main sur le chemin de la vie.
Panbouda marchait en direction du temple aux côtés d’un vieux sage. Il l’aidait à porter des boîtes de bougies pour la cérémonie d’au-revoir. Des larmes de plomb dessinaient en rampant des sillons de tristesse sur ses joues d’enfant.
Panbouda :
- sans lui, je me sens perdu sur mon chemin de vie.
Vieux sage :
- ton chagrin te trompe, ton ami n’était pas ta carte mais ta boussole. Quand la carte disparaît, tu ne sais plus où tu es, mais quand la boussole disparait, tu connais toujours la direction qu’elle t’indiquait.
Panbouda :
- sans lui, je ne vois plus rien sur mon chemin.
Vieux sage :
- ton chagrin te trompe encore, ton ami n’était pas tes yeux, il était ta lumière. Tes yeux pourront toujours voir le bon chemin dans le noir, si tu te souviens de sa lumière.
Panbouda :
- je suis triste, je ne le verrai plus, je ne l’entendrai plus.
Vieux sage qui ferme les yeux :
- moi, je le vois quand je ferme les yeux. (il sourit) Et quand j’écoute, j’entends son rire joyeux. Est-ce que ton vieil ami t’a apporté beaucoup de lumière dans ta vie ?
Panbouda qui sourit :
- oh oui, il était pour moi un soleil sans pareil.
Vieux sage :
- alors pourquoi quand tu regardes dans ton coeur en pensant à lui, tu choisis de regarder les nuages gris au lieu de regarder le soleil qu’il y a mis ? Crois-tu qu’il serait heureux de te voir pleurer ainsi, et t’assombrir au lieu de sourire ?
Panbouda :
- mais mon soleil ne brille plus.
Vieux sage, qui lui passe affectueusement la main sur la tête :
- Petit bonhomme, je vais te donner le secret de la vie d’un homme.
Le vieux sage s’accroupit et vida entièrement sa boîte de bougies.
Il en prit une dans le tas, l’alluma et la posa debout dans la boîte en bois.
- ceci est ton ami lumineux qui vit.
Il remit le couvercle pour fermer la boîte.
Il attendit un peu, puis souleva le couvercle.
Une fumée se dissipa, la bougie s’était éteinte.
Il poussa la bougie du doigt, elle tomba.
- ceci est ton ami qui est parti.
Panbouda fixait le vieux sage.
Vieux sage qui éclate de rire :
- crois-tu vraiment que ceci résume la vie terrestre ? Ce serait bien triste pour celui qui s’en va et ceux qui restent.
Le vieux sage sortit la bougie fumante de la boîte.
Il prit douze autres bougies qu’il planta dans la boîte vide.
Il en alluma deux.
Vieux sage :
- regarde Panbouda, ceci est notre monde terrestre. Je sais, je sais, il n’est pas très lumineux.
Il prit une autre bougie dans le tas à terre :
- cette bougie, c’est ton ami. Maintenant, regarde, je l’allume et je la mets dans la boîte parmi les autres. Que vois-tu ? c’est plus lumineux qu’avant son arrivée, n’est-ce pas ?
Le vieux sage prit la bougie-ami :
- et si cette bougie partage sa lumière avec d’autres bougies, ce sera encore plus lumineux, n’est-ce pas ?
Il utilisa la bougie-ami pour allumer plusieurs bougies, puis la replaça parmi les autres.
Panbouda :
- oh oui, grâce à elle, toute la boîte est dans la lumière.
Le vieux sage éteignit la bougie qui symbolisait l’ami et la retira.
- regarde, j’ai enlevé ton ami, mais la boîte reste aussi lumineuse. Si tu as été une bonne bougie dans ta vie, quand ta flamme s’éteint, la lumière du monde ne faiblit pas car tu as transmis ta lumière aux autres bougies. Quand la bougie a été lumineuse, seule la bougie disparaît, mais sa lumière demeure.
Eclairer son chemin est à la portée de chacun, éclairer celui des autres demande une générosité sans fin.
Tu dois respecter et protéger cette lumière que tu as reçu de ton ami disparu.
Quand tu pleures, tes larmes coulent à l’intérieur et éteignent la flamme qu’il a mis dans ton coeur. Tu obscurcies la lumière qu’il t’a offert.
Quand tu souris en pensant à lui, tu ravives la flamme dans ton coeur. Tu as plus d’éclat, et tu illumines les gens autour de toi.
À chaque fois que tu penses à lui avec joie, il est avec toi. À chaque fois que tu pleures, tu l’éloignes de toi.
Souviens-toi de ceci : dans un ciel de pluie, celui qui ne cherche pas la lumière du soleil ne verra jamais l’arc-en-ciel.
Le vieux sage prit la boîte de bougies de Panbouda.
Il la vida et la colla contre l’autre boîte, comme deux wagons en bois.
Il plaça la bougie-ami dans la boîte vide et la ralluma.
- voilà le secret de la vie d’un homme : la vie est une succession de pièces. Quand tu meurs, tu dois quitter chaque pièce en la laissant plus lumineuse que quand tu y es entré. Tu partages ta lumière, et tu en reçois pour faire grandir la tienne. Ainsi tu seras encore plus lumineux dans la pièce suivante. Dans la dernière pièce, il n’y a plus ni bougies, ni obscurité, ni blessures : toutes les bougies se fondent en une seule lumière d'amour pur. Une source de lumière sainte si parfaite qu’elle peut rallumer la flamme de vie de toute bougie éteinte qui s’y connecte.
Panbouda :
- je comprends à quel point il a su éclairer mon chemin, mais je reste triste car il n’est plus là avec moi. Qui me tiendra la main demain ?
Vieux sage, souriant :
- bien sûr qu’il est toujours là. Quand le soleil se couche et que tu ne le vois plus, sa chaleur habite toujours ton corps. Ton ami est toujours là, dans ton coeur. Et surtout, il est là dans la pièce d’à côté, il t’attend pour te retrouver un jour. Le plus beau cadeau d’amour que tu puisses lui faire, c’est de le retrouver en ayant fait grandir la lumière qu’il t’a offert. Tu es une lumière dans un corps de chair. À la mort de ton corps, ta lumière se libère. Nous sommes immortels tant que notre lumière brille dans le coeur d’un autre, même si c’est juste une étincelle.
C’est ainsi que Panbouda comprit que lorsqu’un être cher mourrait, l’important n’était pas ce qui nous manquait, car à trop pleurer ce qui nous manquait, on oubliait de profiter de toute la lumière qu’il nous avait laissé.
D’un sourire au ciel, il remercia son ami éternel pour cette dernière leçon de vie. Le secret de la vie était compris, il répandrait chaque jour sa lumière autour de lui.
Et Panbouda reprit son voyage sur son chemin de vie, avec un peu plus de bonheur et de sagesse dans le coeur. Il souriait, il était petit, mais il savait qu’au bout du voyage, il serait un grand sage.
©Pit Nokoma
Conte intégral extrait du livre "Les contes d'éveil de Panbouda".
Reproduction intégrale interdite, tout extrait doit citer un lien www.pitnokoma.com
PARTAGER SUR
PARTAGER SUR 
Vous pouvez partager cette citation sur les réseaux sociaux ou sur votre site.
Faites clic-droit dessus, puis 'enregistrer sous'.
